Certains au village le disaient, d'autres ne l'envisageaient que timidement, mais c'est bel et bien effectif: Jean-Olivier, notre facteur préféré (en même temps c'est le seul !), enfourchera de nouveau sa bicyclette lundi prochain pour la reprise de sa tournée de distribution de courrier.
Et espérons pour lui qu'il soit en très très grande forme le jour J, car après plus de 6 semaines "d'absence" il devra étancher tout le retard accumulé, non seulement dans la distribution du courrier, mais qui plus est dans l'absorption de vin chaud dans chacune des maisons du village.
En effet comme le veut la tradition à Saint Franc-le-Canon, chaque destinataire d'une lettre, en échange d'une réduction d'impôt, se doit d'offrir à son préposé un verre de vin chaud. Cette tradition voulue par Monsieur le Maire, Jean-François Lafourch, tendrait, à la fois, à relancer la consommation dans le village, mais aussi à faire baisser le taux de chômage en créant encore plus d'emplois de facteurs. Le mécanisme économique imaginé par Monsieur le Maire étant des plus simples: courrier = visite du facteur = vin chaud offert = réduction d'impôt = + de courrier = + de visites du facteur = + de vin chaud offert = + de réduction d'impôt = encore + de courrier = encore + de visites du facteur = encore + de vin chaud = encore + de réduction d'impôt et ainsi de suite jusqu'à devoir embaucher un facteur de plus...
Monsieur le Maire espère obtenir de cette façon le plein emploi dans le village d'ici 2 ou 3 mois, ce qui signifiera que chaque habitant sera alors son propre facteur. Il sera cependant possible d'organiser des rondes de distribution: chacun des nouveaux facteurs pourra apporter le courrier à son voisin, dans le but d'éviter que chacun chez soi ne se retrouve à boire son verre de vin chaud seul. Mais tout cela ne fonctionnera qu'à la condition unique que tout le monde dans le village sache lire et écrire. A voir...
Rappelons au passage qu'une première tentative avait conduit Jean-Olivier à mettre pied à terre pendant 6 semaines: il n'avait pas supporté la pression d'être le pionnier de cette aventure humaine. Tout ce vin chaud englouti, dans l'espoir fou de ne plus être le seul facteur à Saint Franc-le-Canon, avait eu raison de lui assez rapidement. Il déclarera, ce jour là, à l'issue de sa première heure de tournée, tout juste avant de tomber ivre mort: "(hic) zean-franfois y faut (hic)....... le n'enfermé (hic)..... y s'rend pas bin fompte (hic)....... fafteur 'est un bétier à ri(hic)squ'...... (hic) veux renfrer fhez moi (hic)...... siouplé........ (buuuurpp)" (fin de citation).
Là où tout le monde aura vu un demi-échec, Monsieur le Maire a voulu y voir un demi-succés. C'est pourquoi il reconduit ce test de nouvelle tradition à enjeu économique.
Tout le village se joint à nous pour souhaiter bon courage à Jean-Olivier lors de sa seconde tentative, qui, espérons-le, sera couronnée de succès cette fois-ci.
Jean-René.
